Le monde de Lady Oscar
Le monde de Lady Oscar

ayako (osamu tezuka)

 

« Ayako » de Riyoko IKEDA et d’Etsuko IKEDA fait directement référence à l’« Ayako » d’Osamu TEZUKA (728 pages dans cette édition deluxe ci-contre aux éditions Delcourt). Cette dernière en fait une transposition dans un univers plus monstrueux et contemporain, avec une critique conservée en arrière-plan de la société.

 

L’Ayako originale, dont le prénom signifie "l'enfant étrange", est la dernière enfant née d’un père monstrueux dans ses mœurs et sa vie en général : grand propriétaire terrien, patriarche dans sa façon de gérer sa famille élargit (ce qui était vrai à l’époque où le père/mari était tout puissant, conseil de famille, garder la face / laver l’honneur…) il est craint par tous, y compris les membres de sa famille qui sont, eux aussi, pourris de l’intérieur.

 

Suite à la réforme agricole post deuxième guerre mondiale, la famille décline aussi bien sur le plan financier que dans son influence. Ce père a eu Ayako avec sa belle-fille, Sué, qu’il viole avec la toute mauvaise foi possible, son fils lui prêtant sa femme pour pouvoir conserver son droit d’héritage et spolier ses autres frères. Sué tentera par trois fois de se suicider. Naoko, l’une des sœurs d’Ayako, réprimandera Sué en lui affirmant qu’elle a qu’à fuir au lieu de tenter de se tuer. Sué lui explique son impuissance, Naoko lève les épaules, incrédule. Pourtant, cette dernière, en essayant de lutter contre les carcans sociétaux, finira par se marier et devenir une femme d’ouvrier bouffie et rongée par la tristesse. Sué représente une femme pure, victime de la société qui conduira à son massacre dans l’indifférence générale (son mari finira par la tuer et la famille fermera les yeux). Nous comprenons mieux ainsi les origines de l’Ayako de Riyoko, qui en fait la fille d’une bête diabolique et d’une femme condamnée par la société.

 

Mais Riyoko va prendre un autre angle concernant la vie d’Ayako. L’Ayako de TEZUKA est tenue recluse pendant près de 15 ans dans une resserre (une sorte de cabane à jardin) où son père violait sa mère juste au-dessus de sa tête, où son frère Shiro couchait avec elle dans un premier temps avant de la couper définitivement d’autrui (elle avait de la visite des membres de la famille avant), où son autre frère était ambigu à la fois dans son désir pour elle, dans le défi au père et dans la culpabilité. Elle va donc être comme coupée du monde, ne recevant que de l’amour (malsain) et quand elle sortira (ce sera court) vers le vrai monde, se sera avec l’âme et la spontanéité de l’enfance.

 

A l’inverse, Riyoko l’a fait évoluer au sein de sa famille ce qui repose de nouveau la question qu’Osamu TEZUKA soulevait : est-on le produit de sa famille qu’elle soit biologique ou non ? Ayako va-t-elle fini par être aussi abjecte que ses parents (d’autant plus qu’elle a été échangée à la naissance donc sans lien biologique = ce n’est pas de l’inné mais de l’acquis. C’est le grand débat de Voltaire et Rousseau l’un pensant que l’être humain est mauvais par nature et l’autre que c’est la société qui le pervertit) ?

 

Nous retrouvons aussi tous les personnages secondaires dont le Docteur. Dans le manga d’Osamu TEZUKA, c’est le même être infâme, obnubilé par l’argent et n’ayant aucun scrupule. Les hommes se servent des femmes (Jiro, l’un des frères d’Ayako, en est l’exemple parfait), l’honneur est brandi à tout va pour cacher ou justifier les pires horreurs, etc.

 

L’Ayako d’Osamu TEZUKA est toutefois beaucoup plus politique que celle de Riyoko. Il l’encre dans la réalité historique du Japon post deuxième guerre mondiale, un Japon sous la férule américaine et qui tente de s’en défaire. mais tous les deux se rejoignent sur la condition de la femme et le parcours de vie difficile de la plupart d'entre elles.

 

 

Il y a une nouvelle version  d’Ayako par Kubu KURIN. J’ai lu les deux premiers tomes. Le dessin n’est pas du tout maîtrisé, l’histoire est simplifiée et entièrement centrée sur de l’érotisme (très malsain car aucun contexte).

 

L’œuvre originale de TEZUKA est terrible, mais elle n’est probablement pas très éloignée de la réalité de certaines familles incestueuses de nos jours (mais aussi incestuelle si nous regardons la relation Jiro - Ayako), et l’aspect sexuel n’est pas le sujet. C’est un triste objet en fait. TEZUKA maitrise le dessin à la perfection, le scenario est béton, l’ambiance est terrible et laisse sans voix (trahison, huis clos familial, suicide…).

Cette version de KURIN est, à mon sens, un nanar.

 

A l'inverse, dans son adaptation, Riyoko IKEDA décentre le sujet de la sexualité et montre plutôt le combat entre héritage familial et culturel versus la création de son propre destin. D’ailleurs, son Ayako va être malmenée amoureusement alors que l’Ayako originale n’a aucune idée de ce qu’est l’amour (on lui a appris qu’aimer = coucher). Riyoko garde aussi le message critique de la société égoïste. 

 

 

 

 

 

La critique de Persmegas sur Mangas News est intéressante (https://www.manga-news.com/index.php/serie/critique/Ayako)

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