Le monde de Lady Oscar
Le monde de Lady Oscar

Isaac Gotthilft Weisheit

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Pour commencer, Isaac ne porte pas un nom banal. Tout d’abord c’est un nom hébreu et on retrouve la trace de la religion juive avec Garina (dans la partie se déroulant en Russie). Ces deux personnages ont leur vie qui finit assez durement. C’est la première fois que je vois un manga de Riyoko Ikeda qui contient des occurrences religieuses sans forcément de fondement historique (Ecole Saint Sébastien qui est catholique, Garina qui représente la répression russe contre les juifs notamment…).

 

Pour en revenir à Isaac, je ne sais pas pourquoi Riyoko a souhaité l’appeler ainsi mais cela fait beaucoup rire ou interpelle les personnages de la Fenêtre d’Orphée (ex. le Directeur de l’Ecole et le Professeur Wirklick, Julius…).

 

Isaac = « le rire » ou « celui qui rira » en hébreu. Je ne suis pas sûre d’avoir beaucoup vu Isaac joyeux tout au long du manga. Il a plutôt une vie dure et il est comme anesthésié des sentiments. Il se protège constamment contre l’émotion, il a peur de tout, souffre d’un manque de confiance en lui terrible dès qu’il est en présence d’autrui (ce qui n’est pas le cas avec le piano car c’est une technique qui se contrôle. Son manque d’émotion dans l’interprétation est à un moment un frein pour lui pour lancer sa carrière. Il finira par condensé dans ses doigts tout ce qu’il n’a jamais pu verbaliser et réussir ainsi à être un grand interprète).

 

Gott Hilft = « Dieu aide » en allemand. La Fenêtre d’Orphée ne l’a pas aidé !

 

 

 

Weisheit : « celui qui est à la mode » en allemand ou « aussi la sagesse » (toujours en allemand). Isaac à la mode ? Ni à Ratisbonne, ni à Vienne ni ailleurs ! bien qu’il devienne un homme séduisant (et non séducteur).

 

 

 

Il est possible que son personnage soit librement inspiré du pianiste Wilhelm BACKHAUS (1884-1969). D'ailleurs, dans le Tome 3 à la page 114, le Pr. SCHOLZ compare explicitement Isaac à BACKHAUS, ce qui sera ensuite repris par le Directeur de St Sébastien à la p.125.  Ce dernier, allemand à la base, fait ses études de musique notamment à Francfort [dans l'oeuvre de Riyoko IKEDA, c'est le Pr SCHOLZ, de Francfort, qui va le découvrir].

 

 

Il est notamment connu pour l'interprétation vive et sans fioriture des oeuvres de Beethoven (sur beaucoup de sites Internet on trouve les qualificatifs suivants : "grandeur, sobriété et pureté de style") ce qui sera aussi le style d'Isaac.

En remplacement d'un grand pianiste à Londres, il acquiert ses lettres de noblesse (comme Isaac qui remplace le Pr WIRKLICH). C'est son interprétation de l'oeuvre L'Empereur qui va lancer véritablement sa carrière (tout comme Isaac dans le manga) aux Etats-Unis.

 

Côtés des amours, il est décrit comme un homme ayant une vie rangé auprès de son épouse à l'instar d'Isaac qui ne fut pas un coureur de jupons (marié une fois et cela finit mal).

 

D'autre part, Riyoko IKEDA fait une deuxième allusion à la musique du même courant auquel appartient BACKHAUS (celui de l'Ecole de Litz) et à la même période en la personne d'Amalie. Celle-ci s'appelle SCHÖNBERG comme le pianiste Arnold SCHÖNBERG. Comme Amalie, il finira dans le dénuement.

Nb. : merci à Fariha Matia du groupe Facebook Orpheus no Mado pour cette remarque si pertinente !.

 

Isaac n'est ni plus ni moins la métaphore de ce qu'est la musique pour Riyoko IKEDA, ses aspirations, sa conception, ses amours esthétiques et ce, avant qu'elle passe elle-même le pas et devienne musicienne et chanteuse lyrique.

 

Isaac est le premier personnage qui apparaît dans le manga et dont on connait l’identité. En retrait, timide, studieux et toujours en recherche de perfection et de dépassement dans le travail (pas dans ses relations amoureuses !), il prend tout au pied de la lettre et il est souvent gêné. Souffre douleur de Maurice et parfois de Klaus, il ne sait pas affronter le conflit. Comme un enfant, c’est Julius qui le protège, inversant les rôles hommes-femmes.

 

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.Il n’a jamais pu dépasser l’idéal parental même après le décès de ses parents d’autant que Frederike, sa sœur, l’entretient dans cet idéal et meurt pour la préservation de cet idéal (son père aurait souhaité être un grand musicien et il élève son fils, qui ne l'est pas d'ailleurs, dans cette perspective). Comme Klaus engagé dans la cause révolutionnaire, Isaac est lui aussi engagé dans la réparation familiale, ce qui ne laisse aucune place pour vivre un amour équilibré et investi avec Julius.

 

Quelques femmes de la vie d'Isaac

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Isaac a toujours fuit les responsabilités et se fait prendre en charge systématiquement et plutôt par des femmes. La chaîne est longue : Frederike, le Directeur de l’Ecole Saint Sébastien, la famille du Professeur Shunberg à Vienne, Amalie et même Roberta quand il refuse d’affronter la réalité au retour de la guerre.

 

Julius aurait-elle été heureuse avec Isaac ? Elle se serait bien ennuyée ! (cela n’engage que moi)

 

Isaac n’a vécu que pour la musique qui lui a bien rendu. Aucune place pour personne ni rien d’autre. Les gens sont passés comme des ombres insaisissables dans sa vie. Il n’a jamais pu les arrêter. Il dira d’ailleurs : « je n’ai jamais pu protéger personne » et épousera Roberta pour essayer de réparer sa lâcheté. C’est, je crois, son seul acte concret envers une femme ainsi que l’achat d’un petit accessoire pour Amalie qui avait fortement pleurée d’être délaissée. C’est peu (même si un mariage est beaucoup, il est à noter qu’il était quasiment toujours absent, désinvesti, et exauçait les 4 volontés de Roberta pour ne pas à avoir à dire non).

David et Julius (toujours amnésique), Isaac, Maria Barbara

Bien qu’encore très populaire lorsqu’il retourne à Ratisbonne, il ne fréquente plus aucune femme semble-t-il et reste présent pour Julius, bien que, comme d’habitude, avec beaucoup de maladresse et ce sentiment récurrent de ne pas être à la hauteur, d’être « inutile » comme il se définit lui-même. Mais c’est qu’il n’est pas homme de mot. Isaac ne parle pas beaucoup et encore moins de sentiments. Il appelle David Rasen à la rescousse devant l’état malheureux de Julius et se vexe en son fort intérieur de la proximité que celui-ci instaure avec elle dès les premières minutes.

 

Isaac, par un concourt de circonstances, essaie de remettre Julius au piano au sein même de l’Ecole St Sébastien, pour lui faire ré-émerger sa mémoire. C’est violent pour elle, mais son état mental, à défaut de le recouvrir, au moins se stabilise. Là encore, Isaac manque le coup : persuadée que quelqu’un lui faisait signe du haut de la Fenêtre d’Orphée (condamnée depuis la mort du Professeur Wirklich et de Renate) en lui rappelant une personne aimée, Julius s’élance dans la tour. Isaac la suit mais au lieu de lui faire confiance, il minimise ce qu’elle pense avoir vu en le transformant en illusion. Il lui aurait fait confiance et aurait regardé jusqu’au bout, il aurait vu… Jacob, pourtant un uniforme d’étudiant pour se faire passer pour Klaus ! Il voulait déjà la tuer à ce moment là. Jacob était en haut de la tour, il n’aurait pas pu s’échapper. Au lieu de cela, Isaac redescend avec Julius… c’est finit pour elle, Jacob la tuera à la 2e tentative.

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Isaac termine sa vie en jouant du piano dans ce fameux bar-restaurant où il commença à jouer étudiant pour payer ses études. Roberta lui a donné un fils, Jubal (nom hébreu aussi) avant de mourir en couche. Il va l’élever seul suite à la mort de celle-ci, en lui cachant son talent de musicien. Sauf que le piano trône dans l’appartement et que les partitions sont à portée de mains ! Et Jubal a des aptitudes extraordinaires pour la musique. C’est une veille connaissance d’Isaac, grand pianiste intentionnellement reconnu et qui est à Vienne en résidence principale, qui lui propose de prendre avec lui Jubal pour l’initier à la musique. Isaac accepte mais avec des paroles terribles pour l’avenir de son fils.

 

Lui-même reste seul à Ratisbonne avec ses souvenirs de jeunesse, refusant un poste d’enseignant de musique, surement dans le sillage de David et Maria-Barbara. Et Julius ? Elle a disparut, elle est morte. Pas de réaction d’Isaac… Il semble que Riyoko est « arrêtée » l’histoire juste avant l’annonce de la mort de la belle Julius…

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Pourquoi la malédiction de la Fenêtre d’Orphée n’a-t-elle pas fonctionnée entre Isaac et Julius ?

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Ce que j’aime, c’est le jeu de Riyoko qui pose la question dès le départ au travers de Julius : qui de lui ou de Klaus sera aimé (=maudit)?

 

Dans la légende d’Orphée, c’est Orphée qui pleure la disparition d’Eurydice. C’est le cas avec l’amour du Professeur Wirklich et de Renate où il l’attend désespérément. C’est le cas d’Isaac qui a finalement attendu Julius toute sa vie.

 

Quid de Klaus ? En même temps, Klaus dit avoir vu en 1er par la Fenêtre sa Mère Patrie la Russie, pas Julius ! Et Julius, en s’attachant à Klaus se perd dans un dédale ténébreux de solitude et de douleurs (// avec les enfers où étaient Eurydice ?] et perd peut-être son Orphée qu’aurait pu être Isaac…

 

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