Le monde de Lady Oscar
Le monde de Lady Oscar

L’ambiguité de l’amour entre même sexe

Mako (brune) et Junko dans "Début de Printemps"

.

.

 

 

Par ambigüité de l’amour entre même sexe, j’essaie de désigner les jeux de relations amoureuses entre femmes mais sans passage à l’acte  (même dans Claudine, le frère de Solène dira qu’elles n’ont pas été jusque là).

On retrouve ce thème dans tous les mangas de Riyoko IKEDA : Oscar et Rosalie ou Oscar et Charlotte voire même Oscar et Marie-Antoinette (Lady Oscar), Nanako et Rei… (Très Cher Frère), ou encore Mako et Junko (Début de Printemps) où chacun d’entre eux a cette teinte de bisexualité psychique évidente.

 

Oscar, comme ses homologues fémino-masculines, ont une apparence androgyne longiligne, elles ont des relations amoureuses tourmentées entre passion secrète et silence imposé, elles doivent faire des choix, mener des combats, prendre des décisions qui concernent leur intimité et surmonter les obstacles familiaux à leur épanouissement. Elles offrent un support de rêveries et de fantasmes à mi-chemin entre nos questionnements d’adolescent (suis-je un homme ou une femme ? qu’est-ce qui nous différencie ? L’autre, masculin, est-il dangereux ? Vais-je perdre mes repères d’enfance ? Serai-je la femme que l’autre, masculin, attend que je sois ?...) et nos combats plus tardifs pour faire reconnaitre le droit à notre genre féminin.

 

> Rien qui dépasse l’ambigüité et le baiser mais toujours la même construction dans les mangas de Riyoko : une femme masculinisée et une femme très féminine. On se projette assez facilement dans une relation hétérosexuelle dans le comportement et le langage adoptés par Oscar (avec Rosalie…), Rei (avec Nanako…) ou Julius par exemple qui prennent un caractère masculin évident.

 

> A l’inverse, dans les débuts de chaque manga, quand le personnage féminin-masculinisé est avec un homme, notre pensée bascule aussitôt sur une relation amicale masculine même si l’homme est fou amoureux : ainsi en est-il avec Oscar et André ; Julius et Isaac… La relation amoureuse bascule réellement quand nos héroïnes se mettent en robe… Or, quand elles aiment et décident d’assumer pleinement leur sexe, la mort survient. Le Japon n’a pas une longue tradition du double suicide amoureux pour rien…

 

Il est très peu probable que Riyoko IKEDA, n’ayant pas Internet à cette époque, se soit documentée sur la question de l’ambiguïté sexuelle. Par contre, l’idée de l’ambigüité ou ambivalence des sexes est très présente au Japon que ce soit dans le théâtre style Kabuki ou Takarazuka ou encore à travers l’œuvre de Tezuka OSAMU. Certes, on le connait pour être le créateur du dessin animé « Astro le petit Robot » mais il avant tout connu au Japon pour ses œuvres « Metropolis » et le personnage androïde de Mitchi tantôt homme, tantôt femme ; ainsi que, bien sûr, Princesse Saphir, elle aussi dans les mêmes problématiques qu’Oscar mais avec la particularité d’être hermaphrodite de cœur (elle possède deux cœurs : l’un féminin et l’autre masculin). 

 

De plus, Riyoko avait accès aux livres de Stefan ZWEIG dont le titre « Marie-Antoinette » lui inspire « Versailles no Bara » (cf. sa préface du manga, tome 1). Elle pourrait donc très bien avoir aussi lu de cet auteur « La Confusion des sentiments » qui aborde avec finesse et des non-dits la relation ambiguë entre un élève, son professeur masculin et la femme de ce dernier. Il me semble y retrouver tous les ingrédients (d’autant que c’est une femme lettrée comme l’élève et le professeur), l’humour en plus !

 

Enfin, Riyoko a abordé ce sujet de manière personnelle en évoquant un tabou (pas si tabou d’ailleurs) des années 1970 comme ses collègues et amies mangaka « Les magnifiques de 24 » dont elle faisait partie ! Ainsi, Hagio Moto est considérée comme la pionnière des histoires d’amour entre garçons avec son manga « Le Ceur de Thomas » qui dépeint les émois sexuels et les sentiments violents de l’adolescence.

 

Riyoko transmet des idées féministes en s’opposant à celles conservatrices, notamment sur la place de la femme dans la société, ce qui est encore osé à ce moment là (elle n’écrit pas son manga sur le thème de la Révolution pour rien !).

Cf. aussi son interview lors du Festival d'Angouleme.

 

Peut-être a-t-elle aussi souhaité aborder un sujet personnel qui la touche de près ou de loin (il est à noter qu'elle écrit d'autres manga sur le thème explicite de l'homosexualité dont "Claudine").  

Version imprimable | Plan du site
© Le monde de Lady Oscar