Basé sur le manga LADY OSCAR et LA FENETRE D'ORPHEE
Un modèle racinien, c'est-à-dire celui des tragédies de Racine. Tous ses personnages se courrent après par amour (pur et innocent, vindicatif, jaloux, etc.) mais tous finissent mort ou fou. Ce sont des amours interdits par le Destin. Bien souvent elles (les amours) fonctionnent sur le modèle de 3, c'est-à-dire un schéma amoureux à 3 personnes. Chez Riyoko IKEDA, une des trois personnes fait toujours fait partie d'un autre trio d'amour. A la fin on a une chaîne amoureuse (et malheureuse).
Dans ce schéma à 3, chaque personnage a un rôle prédéterminé :
celui qui possède l'amour de la personne qu'il aime (même temporairement) ;
celui qui est l'objet de l'amour (le pivot amoureux) ;
celui qui perdra par amour (avec ou sans conséquence).
Voici le schéma dans LADY OSCAR :
Ce schéma est incomplet car dans le manga il y a encore la relation André - Oscar - Alain
On aurait pu aussi rajouter Le noble - Diane - les soldats de la Garde française qui se rattache à l'élément ci-dessus qui lui-même s'inscrit dans le schéma général, soit 7 trio et tous en relation !
Voici le schéma dans LA FENETRE d'ORPHEE :
Isaac - Julius - Klaus : l'amour maudit de part la malédiction de La Fenêtre d'Orphée (la Destinée)
L'un ne sera jamais considéré dans sa position virile (Isaac) et Julius ne le percevra que comme un ami ; Klaus est l'homme par excellence mais pris par ses engagements révolutionnaires et il ne pourra jamais s'engager avec Julius ; Julius est celle condamnée à être un homme et quand elle s'opposera au Destin se sera pour souffrir (perte de son bébé, mort de Klaus, puis perte de sa propre vie dû aux choix malveillants de son père).
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Wirklich - Renate - Alfred von Alensmeier : l'amour adultère.
Wirklich et Renate sont liés par la Fenêtre d'Orphée. Renate, alors maîtresse d'Alfred von Alensmeier, se laisse aller à son amour pour Wirklich. Au final, abandonnée par Alfred alors qu'elle est enceinte, elle ne peut rejoindre Wirklich par honte ; puis, une fois mariée à Alfred qui l'a repris, elle est soumise au chantage par le Dr Jahn. Elle retrouve Wirklich des années plus tard mais ils meurent tous les deux provoquant un scandale de moralité. Bref, Riyoko n'aime pas trop le statut des maîtresses...
Renate - WIrklich - Maria Barbara von Alensmeier : l'amour oedipien.
Maria Barbara reste célibataire par amour pour le beau professeur qui l'a faisait tant rêver quand elle était jeune fille lorsqu'il lui donnait des cours particuliers de piano. Mais Wirklich, quant à lui, se consume d'amour pour Renate et, s'il reste célibataire, c'est pour lui rester fidèle en attendant de la revoir peut-être un jour. Et Renate, est la traitresse, celle qui a mis de côté la pudeur, la vertu et la fidélité en se donnant à Alfred von Alensmeier. Mais elle est aussi la belle-mère de Maria Barbara, toutes deux aimant le même homme...
Isaac - Frederike - Maurice : entre un amour incestuel et un amour prostitué.
Frederike, la soeur d'Isaac (en fait la soeur adoptive mais il ne s'en rappelait pas) se meurt d'amour pour Isaac et va jusqu'à se vendre à Maurice pour qu'Isaac puisse obtenir ce dont il a besoin afin de devenir un grand pianiste.
Tout ce qu'elle réussit, c'est à provoquer la colère d'Isaac qui ne comprend pas tout l'amour qui se cache derrière la démarche de sa soeur. Pendant ce temps, Maurice joue à l'homme viril avec une Frederike naïve et perdue. Sauf qu'Isaac perd sa soeur bien-aimée de la tuberculose et Maurice se rend compte que son jeu n'était pas qu'un caprice. Il aimait Frederike. Il ne l'oubliera jamais, grandissant d'un coup et demandant pardon à Isaac. Il tombera amoureux 10 ans plus de Malwida, ayant l'apparence de la belle Frederike, remettant toute sa vie et sa position en cause (il est marié, père de famille et à la tête d'un empire industriel).
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Roberta - Isaac - Catherine : entre l'amour raisonnable et irraisonnable.
Isaac, devenu un virtuose du piano et reconnu sur toute la scène européenne, n'a jamais oublié Julius. Mais, oublié de celle-ci, il se lance dans des aventures amoureuses sans lendemain notamment avec Amelia. Même son personnage a changé physiquement pour devenir viril (il n'est pas sans rappeler les traits d'André Grandier).
Pourtant, entre l'amour de la belle Catherine Brenner, issue d'une grande famille bourgeoise, douce, bien élevée, fidèle et dévouée à autrui, il choisit Roberta, à l'enfance malheureuse (prostituée par son père), aux métiers difficiles (serveuse dans un bar grivois puis prostituée) et à la constance douteuse. Mais Roberta n'est-elle pas le souvenir incarné de son passé à Ratisbonne, quand tout était encore possible, l'espoir latent et Julius présente ?
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Maria Barbara - Julius - Annelotte : une fratrie fratricide !
Toutes les trois demi-soeurs officiellement car au final, Julius n'a pas de lien biologique avec Annelotte (Maria Barbara & Julius ont le même père et Maria Barbara & Annelotte la même mère), ce sont des amours fraternelles bien particulières : Annelotte essaie de tuer Maria Barbara en l'empoisonnant, Maria Barbara hait Julius pendant bien longtemps, et Julius empoisonne à son tour Annelotte sans réussir à la tuer dans un premier temps puis de la faire mourir définitivement des années plus tard. Annelotte finira par tuer Julius par la main de Jacob, pendant que Maria Barbara reste la dernière du nom des Alensmeier. Autant dire que la famille s'est éteinte après sa mort. Jolie famille, bien mortifère !
Et c'est sans parler de Joaquim, le demi-frère d'Annelotte (de part le père) qui se fait assassiner par... Annelotte elle-même !
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Wirklich - Directeur de l'Ecole - Jacob : une famille où l'amour n'a de place que pour la vengeance.
Le Directeur de l'Ecole de Saint Sébastien est le père d'Eléonore von Beringer, la mère du Professeur Wirklich (cf. le secret de la malédiction des Alensmeier). Afin de venger le meutre de sa tendre fille, il élève son petit-fils dans la haine de la famille Alensmeier sans lui dire qu'il est son grand-père. Il est aidé en cela par Jacob, le fils du majordome de la maison des Beringer qui a le même âge que Wirklich. Il interviendra pour élever Jacob et pour le sortir d'un mauvais pas lorsqu'il est aux mains de la police.
Il n'y a pas de place pour l'amour. Seul le Directeur a aimé sa fille, interdisant aux autres d'aimer. C'est un enfer pour tous, pris dans les mailles d'un destin funeste initié par la malveillance d'Alfred von Alensmeier. Le seul qui en réchappera est... Jacob ! Wirklich meurt au moment où il retrouve sa bien-aimée, Julius est assassinée par Jacob qui venge la mort de celle qu'il aime (Annelotte) et le Directeur s'empoisonne, pris de remords.
Destinée : chaque personnage de Lady Oscar ou de la Fenêtre d'Orphée a un destin peu favorable. Spontanément moi je dirais "une vie infecte", mais je pense sincèrement que R. Ikeda a voulu intégrer la notion de Destin, c'est-à-dire une volonté implacable qui régit leur vie. C'est très clair dans la Fenêtre d'Orphée avec la malédiction, et sous-entendu dans Lady Oscar avec l'accordéoniste, la pression familiale, etc.
Quasiment tous finiront tristement excepté Miss Chance (Rosalie toujours recueillie d'abord par sa mère adoptive, puis par Oscar puis par Bernard) et Girodelle, bien qu'on puisse supposer que la Révolution puis la Terreur ne feront pas de cadeaux à un royaliste convaincu et engagé comme il l'était. Dans la Fenêtre d'Orphée, seuls les personnages secondaires s'en sorte (et encore, pas tous).
La règle de 3 est un classique dans les drames théâtraux. Riyoko en joue et en rejoue sans pour autant alourdir l'histoire. Bien au contraire. Elle s'attache surtout aux sentiments, aux non-dits et aux ressentis. Elle a magnifiquement bien maîtrisée cette règle, pour notre plus grande joie (et tristesse).